Ouverture du colloque « Demain, les Métropoles »
Discours de Johanna Rolland
Lundi 2 février 2015 – Cité des Congrès
Monsieur le Premier Ministre, Cher Jean-Marc,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame et Monsieur les Commissaires généraux,
Monsieur le président du Conseil général, Cher Philippe,
Messieurs les Présidents des métropoles, communautés urbaines et communautés d’agglomération, et communautés de communes,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis ravie de vous accueillir ici, toutes et tous, à la Cité internationale des congrès pour cette journée d’échanges consacrée à l’avenir des métropoles.
Je veux en particulier saluer celles et ceux qui sont arrivés ce matin à Nantes spécialement pour cette rencontre. Et je salue ceux, que j’ai déjà rencontrés, qui en ont profité pour assister ce week-end aux Folles journées.
Cette année encore, la Folle Journée a démontré la capacité de la culture, de la musique, à nous réunir autour d’une même émotion. Plus de 150 000 personnes, petits et grands, amoureux de la musique et simples curieux, sont venus de Nantes, de la région et de toute la France pour cet événement.
Le colloque qui nous réunit aujourd’hui est plus prosaïque, mais finalement parle du même sujet : le vivre ensemble. Le vivre ensemble à l’échelle d’un quartier, d’une métropole, d’un département, d’une région, le vivre ensemble dans la République.
Nos échanges vont s’inscrire dans une actualité importante. Demain après-midi, la Commission des Lois de l’Assemblée nationale va commencer à examiner le projet de loi « NOTRe », le projet de loi sur la « Nouvelle organisation territoriale de la République ». Nous accueillerons tout à l’heure, pour nous en parler, Marylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation et de la Fonction Publique.
Et puis, mon cher Jean-Marc, c’est évidemment un grand plaisir pour moi et pour nous tous, que tu ais accepté d’intervenir en ouverture de cette rencontre. Ton engagement en faveur de la décentralisation est constant. Tu en as été un artisan comme parlementaire. Tu en as été à l’origine, à l’impulsion, comme Premier Ministre. Et tu as eu un rôle déterminant, ici à Nantes, sur le terrain dans la construction de notre métropole. Alors ton regard pour éclairer nos échanges durant cette journée sera précieux.
Lorsqu’on débat de l’organisation territoriale de la République, nous parlons tout simplement de ce qui nous rassemble tous, plus que jamais : la République. Nous parlons aussi de ce qui est le plus important dans la vie quotidienne de nos concitoyens : la proximité. « Que font les élus pour qui j’ai voté pour le logement, les transports, l’emploi, la santé, l’environnement, pour l’éducation de mes enfants et leur avenir ? ».
C’est pour améliorer la réactivité démocratique, l’efficacité de l’action publique, que notre République s’est décentralisée au début des années 80. A cette époque notre pays connaissait une crise liée notamment aux chocs pétroliers.
Aujourd’hui également, notre pays est en crise, économique, sociale et de confiance. Et toute crise interroge forcément la société qu’elle traverse et l’amène à se transformer. Celle que nous vivons actuellement n’est pas conjoncturelle. Les équilibres sont bouleversés avec la montée en puissance des pays émergents sur la scène économique et politique mondiale.
Notre planète connaît un accroissement des inégalités sans précédents : 1% des habitants possèdent 48 % de la richesse mondiale. Le réchauffement climatique menace notre avenir.
La mondialisation des échanges va bien au delà du seul commerce. Un monde nouveau se dessine. La révolution numérique ouvre des horizons en brisant les frontières.
D’une part, se dessinent des opportunités considérables d’échanges, d’ouverture, de rassemblement de la diversité… De l’autre, face aux incertitudes, prospèrent les risques de replis identitaires qui conduisent à l’intolérance, et parfois aux extrémismes les plus sauvages. Notre pays en a été victime il y a quelques semaines seulement.
Cette crise, c’est donc d’abord celle d’un monde en mutation profonde et rapide. C’est ce défi que doit relever la République. Notre République, ce sont des valeurs d’égalité, de liberté et de Fraternité, qui tout à la fois nous dépassent et nous rassemblent.
Mais la République ne doit pas être un concept. Elle ne peut être figée dans l’histoire. La République, c’est le mouvement : pour s’adapter aux mutations du monde ; pour être vécue par chacune et chacun au quotidien.
Nous devons construire une République du réel, qui s’appuie sur la force de ses territoires et qui retrouve le chemin de la confiance des citoyens. C’est, je crois, le sens et l’état d’esprit qui doit guider notre réflexion et la nouvelle organisation territoriale qui se dessine.
Et ma conviction, c’est que les Métropoles sont une des réponses pour construire un nouveau modèle de développement.
Trop longtemps, la France est restée un pays centralisé qui eu bien du mal à reconnaître la place et le rôle de ses villes. Pourtant 60% des Français habitent dans une ville, 95% interagissent tous les jours avec un territoire urbain.
Il aura fallu attendre 1999, et le Gouvernement de Lionel Jospin, pour voir un réel renforcement des intercommunalités.
Il aura fallu attendre 2013, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault et la loi MAPTAM, pour que la République reconnaisse pleinement la spécificité des métropoles.
Avec cette réforme majeure, l’Etat a ainsi affirmé que l’avenir des grandes agglomérations françaises était bien une question d’intérêt national.
La création des métropoles répond à une triple nécessité :
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La première c’est de gérer de manière intégrée des compétences comme l’urbanisme, les transports, l’énergie, l’eau. Ce sont dans les métropoles, par ces politiques, qu’on pourra mobiliser les leviers les plus efficaces pour relever le défi de la transition énergétique.
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La deuxième nécessité est politique. Les territoires métropolitains concentrent à la fois la production de richesses économiques, culturelles et scientifiques, mais ils concentrent également beaucoup de difficultés sociales et de précarité.
Les métropoles se doivent d’être en première ligne aux côtés de l’État pour garantir la cohésion sociale et territoriale.
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La troisième nécessité est économique. Permettre aux grandes villes françaises de disposer des mêmes moyens que les autres grandes villes européennes.
Nous sommes dans un monde ouvert, en mouvement où le rôle des villes va croissant.
Nantes préside depuis quelques mois Eurocities, le réseau des 130 principales métropoles européennes. Et je constate que partout en Europe, souvent plus qu’en France, ce rôle essentiel des villes est reconnu et soutenu.
L’émergence des métropoles françaises est sans conteste un facteur d’attractivité et compétitivité pour notre pays. La visibilité des métropoles a un effet déterminant sur les décisions d’investissement des entreprises étrangères.
Par nature, les métropoles concentrent des fonctions stratégiques. Elles rassemblent, dans une proximité propice aux rencontres et aux coopérations, une masse critique d’expertises indispensables à l’innovation qui favorise la création d’emplois.
Mais les métropoles françaises, européennes, ne sont pas de simples îlots reliés entre eux.
L’idée d’un développement « métropolitain » tout entier tourné vers le monde, tournant le dos aux territoires péri-urbains ou ruraux serait une erreur et un danger pour notre pays, pour son unité, sa cohésion et son développement.
La métropole est indissociable des territoires qui l’environnent.
Les métropoles irriguent les territoires péri-urbains et ruraux, qui eux-mêmes sont une ressource en termes de qualité de vie et de développement. On sait par exemple combien ces territoires contribuent à des filières économiques essentielles pour notre pays, comme par exemple, l’agroalimentaire ou le tourisme.
Je peux prendre un autre exemple qui trouve tout son sens ici dans notre région : l’industrie des matériaux.
La métropole Nantes Saint-Nazaire représente le cœur d’un bassin industriel d’excellence, notamment autour de la navale et de l’aéronautique, qui va bien au-delà de ses limites administratives. Dans notre région, la moitié des 1502 communes compte au moins une entreprise de la filière métallurgique.
Les innovations technologiques autour des matériaux composites à l’IRT Jules Verne, peuvent servir aussi bien à construire un Airbus qu’une raquette de tennis. Inventées pour des secteurs de pointe, elles peuvent faire gagner en compétitivité toutes les PME industrielles du territoire, du département, de la Région.
La responsabilité des élus locaux est de savoir dépasser les limites de leurs institutions pour construire des alliances et se donner des capacités d’action à la bonne échelle.
C’est ce que nous avons fait avec Nantes Métropole, lorsque les 24 communes de l’agglomération ont fait de Nantes une des intercommunalités les plus intégrées, et lorsqu’en décembre le Conseil communautaire a adopté un Pacte Métropolitain pour plus de solidarité et plus d’efficacité.
C’est ce que nous avons fait lorsque Nantes, St-Nazaire et quatre communautés de communes de l’Estuaire ont créé un pôle métropolitain pour aménager et développer de manière partagée, équilibrée et durable notre territoire, dépassant ainsi les clivages urbains, péri-urbains et ruraux.
C’est ce que nous faisons avec les autres grandes villes de l’Ouest, Saint-Nazaire, Rennes, Angers et Brest au sein du pôle métropolitain Loire-Bretagne afin de peser au niveau national et européen, notamment sur les questions d’Enseignement supérieur et de recherche.
C’est ce que nous faisons avec le Conseil général.
Le Département contribue à faire de la métropole nantaise une chance pour tous les habitants de Loire-Atlantique. Il facilite le développement de tous les territoires grâce à des outils communs comme l’établissement public foncier. Avec Philippe Grosvallet, nous partageons la conviction que la Métropole et le Département se complètent et doivent travailler ensemble pour tous les habitants.
L’aire métropolitaine Nantes Saint-Nazaire joue également un rôle bénéfique pour les Pays-de-la-Loire et le Grand Ouest.
Elle représente un quart de la population régionale, plus de 50 % des exportations. Si la Région Pays de la Loire peut se prévaloir d’une relative bonne santé économique, la qualité des coopérations entre la Région et sa Métropole n’y est pas étrangère. Ensemble, elles assument un leadership partagé en matière de développement économique, d’enseignement supérieur et de recherche.
Le respect mutuel du rôle de chacun, la conviction partagée d’un destin commun me semblent essentiels et doivent être au cœur de notre réflexion en tant qu’élus et en tant que citoyens.
Pour ma part, je crois profondément à une nouvelle alliance des territoires, dans le respect de leurs diversités et de leurs forces. Cette alliance ne s’oppose pas au rôle fondamental de l’État.
Elle est au contraire une chance pour la République. Elle lui donne l’énergie, la créativité dont notre pays a besoin.
Alors je souhaite évidemment que demain, dans les débats qui vont se poursuivre, le Gouvernement et les députés partent du réel, de ce qui marche.
C’est une exigence collective pour répondre à la première priorité aujourd’hui de nos concitoyens : l’emploi.
Les métropoles représentent plus de 60 % des créations d’emplois en France. Elles jouent un rôle irremplaçable dans l’innovation.
Ainsi, en travaillant main dans la main, la Région Pays de la Loire et Nantes Métropole ont créé des conditions favorables au développement d’une nouvelle économie numérique à Nantes grâce à la mobilisation collective de tout l’écosystème (start-ups, grands comptes, université, chambre de commerce et associations).
C‘est pour cela que la loi MAPTAM confère un rôle spécifique aux Métropoles en matière de développement économique et d’innovation. C’est pour cela que le projet de loi NOTRe, tel qu’il avait été conçu par le Gouvernement, prévoyait que Région et Métropole écrivent ensemble le volet métropolitain de la stratégie de développement économique régional.
Les modifications faites par le Sénat au projet de loi NOTRe, qui instaurent une tutelle des Régions sur les Métropoles en matière de développement économique et d’aménagement du territoire, me semblent donc être dangereuses. Il est primordial de préserver la faculté d’innovation qui fait la force économique des métropoles.
Les stratégies des métropoles et des Régions ne s’opposent pas, elles se conjuguent.
Le projet de loi NOTRe représente donc l’occasion historique de mettre en place une synergie positive et efficace Région/Métropole.
Il faut pour cela proposer une répartition claire des rôles ainsi que des modes de coopération et de contractualisation.
C’est un nouveau compromis politique qu’il faut construire : Plus d’autonomie pour les métropoles qui ont plus que jamais le devoir de contribuer à la solidarité territoriale et à l’égalité des territoires.
Cela doit passer aussi, j’en suis convaincue, par une nouvelle étape démocratique pour nos métropoles. Elles ont la capacité et le devoir de mener de grands projets mais aussi d’agir en proximité, en transparence, en lisibilité et donc en confiance pour les habitants.
Cette exigence démocratique devra passer par une élection des élus métropolitains au suffrage universel direct. Et ma conviction personnelle, c’est que nous devons aller vite et l’envisager dès 2020.
Mesdames, Messieurs, le programme qui vous est proposé aujourd’hui est riche. Je remercie les élus, les acteurs, les universitaires qui ont accepté de venir dialoguer pour cette journée de travail et de réflexion. Je remercie l’ACUF avec qui nous organisons cette rencontre, les agents du Pôle Métropolitain, de Nantes Métropole et de la Cité des Congrès qui ont travaillé à son organisation.
« Demain les métropoles », ce titre est une affirmation : Oui, nous le croyons, les métropoles vont jouer un rôle essentiel dans le nouveau modèle de société que nous devons inventer.
C’est aussi un moment d’expression. A la veille de l’examen du projet de loi NOTRe à l’Assemblée nationale, nous le disons avec force :
Les métropoles doivent prendre leur place, rien que leur place mais toute leur place.
Mesdames et Messieurs, je vous souhaite à nouveau la bienvenue et un excellent colloque.