Ouverture de l’Assemblée Générale de la coordination nationale des Quartiers
Samedi 6 septembre 2014 – 9 h 00
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse de vous accueillir ce matin à Nantes pour ce moment très important. Vous allez en effet débattre de votre projet et de votre stratégie et créer formellement une association nationale pour défendre la place des quartiers et tout particulièrement la parole de leurs habitants, de tous leurs habitants, dans les politiques publiques. C’est donc une étape essentielle dans la vie de votre coordination qui s’ouvre ce matin.
Je souhaite vraiment saluer la constitution de cette force d’interpellation nationale que vous créez aujourd’hui, car elle me semble répondre à deux enjeux essentiels.
Le premier est l’absolue nécessité de donner ou de redonner la parole aux habitants des quartiers, à un moment où il existe chez eux un sentiment de ne pas être entendus ou en tout cas compris, voire pour certains, la conviction qu’ils sont délaissés. De nombreux signes en témoignent, comme l’abstention que nous avons pu constater lors des dernières élections. Or, une telle situation est évidemment inacceptable. Elle l’est du point de vue philosophique, car on ne peut se résoudre à voir certains de nos concitoyens penser que leur participation à la vie de la communauté nationale n’aurait plus ni sens ni utilité. Elle l’est aussi d’un point de vue très concret, car elle ouvre la voie à tous les replis, individualistes comme communautaires, qui sont un danger pour notre démocratie, une menace pour la République.
Le second enjeu est d’offrir, à travers cette expression des habitants, un cadre et un débouché à la formidable énergie, au remarquable talent des habitants des quartiers. Je ne me résous pas en effet à cette vision négative, qui ne présente les quartiers que sous l’angle des difficultés, certes réelles, qui s’y rencontrent. On y trouve au contraire un potentiel extraordinaire, comme nous le savons bien à Nantes. Il faut donner à ce potentiel les moyens de s’exprimer, de créer, car je suis absolument convaincue qu’il faut que les habitants soient acteurs de leur destin. Loin de la logique de l’assistanat, que d’ailleurs ils récusent, il faut leur donner les moyens d’agir. Je sais qu’ils en ont le talent et la volonté.
Naturellement, votre initiative intervient dans un moment difficile. La crise économique et sociale que nous traversons actuellement frappe particulièrement les quartiers. Personne ne l’ignore et moi moins que quiconque. J’ai d’ailleurs fait de l’emploi ma première priorité, que ce soit au niveau municipal et métropolitain. J’ai particulièrement mis l’accent sur des dispositifs, comme les emplois francs, qui permettent d’aider plus spécifiquement les habitants des quartiers. Mais c’est précisément dans ces périodes difficiles qu’il faut inventer, construire de nouveaux dispositifs et travailler collectivement à faire émerger des solutions. Bien sûr, la situation n’est pas identique suivant les territoires. Les difficultés comme les atouts des quartiers ne sont pas exactement les mêmes dans toute la France. Mais partout, dans tous les quartiers, nous portons la même exigence, nous menons un même combat, celui de l’égalité. C’est pour ma part une préoccupation de tous les jours, un engagement fondamental. Je veux que l’égalité, une égalité réelle, concrète, soit assurée à tous, en particulier aux plus faibles, aux plus fragiles. C’est un impératif moral, c’est aussi la condition sans laquelle on ne peut rien construire de grand ni de durable.
Je me félicite donc de votre initiative. Je suis par ailleurs particulièrement heureuse qu’elle se tienne à Nantes. Permettez-moi de penser que ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard.
Je pense tout d’abord qu’Aïcha BOUTALEB y est probablement pour quelque chose et je tiens à l’en remercier.
Mais je crois aussi que vous savez à quel point, à Nantes, nous avons toujours eu à cœur d’insérer pleinement les quartiers dans la ville. Cela est passé naturellement par une politique de la ville déterminée et ambitieuse.
A bien des égards, cette politique anticipait d’ailleurs certaines des perspectives tracées par le rapport de Mme Bacqué et M. Mechmache.
Parce que nous pensons que les habitants, que la société civile sont une ressource essentielle des quartiers, qu’il faut favoriser leur autonomie, nous avons voulu faciliter leurs multiples initiatives. C’est vrai en matière citoyenne, avec par exemple des fonds spécifiques, fond à l’émergence et fond d’initiative locale, adaptés à la nature des projets portés dans les quartiers. Cela s’est traduit aussi dans le domaine économique, grâce entre autres au dispositif « Oser entreprendre ». J’y insiste, nous avons toujours voulu travailler avec les acteurs, dans le respect de leur autonomie.
Parce que la dimension démocratique et participative de la politique de la Ville nous est toujours apparue primordiale, nous avons associé les habitants, dans des démarches globales, allant de la conception au suivi du projet, lors de transformations importantes, comme au Breil et à Bellevue. C’est aussi cet esprit qui nous a guidés pour la mise en place du plan « Paysage et Patrimoine», à la Barberie, initiative qui sera étendue à tous les quartiers nantais au cours du mandat.
Parce que la transformation du regard sur les quartiers passe par la valorisation de la diversité, des identités diverses qui constituent la France d’aujourd’hui, nous avons eu à cœur de les promouvoir. C’est ainsi par exemple que nous avons obtenu le label « diversité » en 2012.
Et puis, parce que ces quartiers font, je le répète, pleinement partie de la Ville, nous y avons implanté des équipements structurants, qui ont vocation à rayonner à l’échelle de tout Nantes. Nous avons ainsi, par exemple, construit une très importante médiathèque de 1500 m2, la médiathèque Lisa Bresner, dans le quartier Bellevue. Fondamentalement, notre volonté a toujours été de faire en sorte que les quartiers ne soient pas relégués, qu’ils s’insèrent pleinement dans le tissu urbain. Quel meilleur exemple que le choix d’y faire passer, dès le départ, les lignes de tramway ? C’est en effet un formidable lieu de brassage, de liens entre différentes parties de la ville, de mélange de différentes populations.
Naturellement, il reste encore beaucoup à faire. On le voit bien au niveau national, où se dessine une nouvelle politique de la Ville autour des nouveaux contrats de ville. C’est aussi bien évidemment notre objectif à Nantes, que de faire plus et mieux dans ce domaine. Nous portons en la matière évidemment une ambition urbanistique, avec la volonté de poursuivre la réhabilitation des quartiers. Mais naturellement, notre action ne saurait s’y limiter. Parce qu’une politique en direction des quartiers doit couvrir toutes les questions qui s’y posent, nous allons engager une démarche de projet global à Nantes Nord et à Bellevue. Et bien sûr, l’ensemble de nos politiques seront irriguées par cette exigence particulière en faveur des quartiers, que ce soit par exemple à travers la réussite éducative, l’accès facilité au sport ou encore des mesures spécifiques de soutien aux jeunes entrepreneurs et aux porteurs de projets.
Enfin, en ce qui concerne plus précisément votre souhait de voir les habitants pleinement associés, Nantes peut également se prévaloir d’une longue et riche expérience. Nous avons en effet particulièrement à cœur d’associer la population, de la faire participer, de lui permettre d’être actrice des décisions qui la concernent. Cette histoire a débuté dès 1989 avec le Développement social des quartiers. En 2008, nous avons souhaité donner une nouvelle impulsion à cette participation citoyenne en mettant en œuvre une Charte du dialogue citoyen et en créant des conseils thématiques (Conseil nantais des citoyens étrangers, conseil nantais de la jeunesse, conseil nantais de la biodiversité, conseil nantais des handicapés) qui ont pour but de co-construire nos politiques publiques.
Forts de cette expérience, j’entends que ce mouvement soit non seulement poursuivi mais amplifié dans les années à venir. J’ai en effet la conviction très forte que par le travail collectif, on arrive à de meilleures solutions. Je sais également que les Nantaises et les Nantais y aspirent. Dès cet automne d’ailleurs démarrera le grand débat sur la Loire auquel, avec mon équipe, je m’étais engagée durant la campagne.
Dès lors, il va de soi que nous souhaitons engager et réussir la plus large association des habitants dans le cadre de la politique de la Ville. Cela passe par trois exigences de méthode, absolument indispensables, car il ne faut pas, sur ces sujets, se payer de mots.
Tout d’abord c’est celle de définir ensemble, avec tous les habitants, quel sera le futur désirable à l’échéance des 6 années du Contrat. Cela peut sembler évident, mais cela recouvre un impératif que je veux souligner, celui de n’oublier personne, de n’exclure personne de cette phase de construction collective du projet de cohésion sociale et territoriale de l’agglomération nantaise. Cela implique bien sûr de prendre appui sur les instances de dialogue citoyen existantes – je pense notamment aux conseils de quartier –. Mais cela nécessite aussi de faire un effort de mobilisation des habitants des quartiers, qui habituellement ne fréquentent pas les conseils de quartier, en insistant notamment sur les jeunes et les étrangers non communautaires, pour lesquels le Conseil Nantais pour la Citoyenneté des Etrangers pourra être mis à contribution. Et en tant que présidente de Nantes Métropole je veillerai à la mobilisation des principaux acteurs économiques du territoire sur ces séances.
Je tiens en outre à ce que le diagnostic qui déterminera les orientations stratégiques fasse état non seulement des problématiques sociales, économiques, éducatives, urbaines mais qu’il dresse aussi et avant tout un état des lieux de tous les leviers de développement, de toutes les ressources des quartiers, des capacités de mobilisation citoyenne. C’est un moyen de mettre en avant les formidables atouts des quartiers, mais aussi de mettre en mouvement les ressources qui nous permettront de progresser, de trouver des solutions.
Enfin la troisième exigence de méthode est celle de la co-responsabilité : le contrat de ville devra comporter des engagements clairs de toutes les parties prenantes et cela impliquera de se rendre compte mutuellement, tous les ans, de l’avancement des engagements pris au sein d’un comité de pilotage du contrat de Ville où les membres des conseils citoyens, les acteurs des quartiers devront être représentés aux côtés des communes, de l’Etat, des bailleurs et autres partenaires.
Naturellement, la coordination citoyenne, en l’occurrence son représentant local le CID, sera un partenaire privilégié dans ces démarches et notamment pour préparer la mise en place à NANTES des Conseils citoyens.
Je vous souhaite donc d’excellents travaux qui nous seront profitables, j’en suis sûre, à toutes et à tous.