« Tu dessines bien pour une fille » ou « Mais c’est vous qui faites les dessins? Non mais tous les dessins toute seule?« , voilà ce que l’on peut lire en ce moment sur le « mur de la honte » de l’exposition « Une BD si je veux, quand je veux » à la Maison Fumetti. Et qu’on ne voudrait ne plus jamais lire, ne plus jamais entendre. Parce que les filles, les femmes peuvent faire ce qu’elles veulent. Et que pour s’en convaincre, elles ont besoin de modèles positifs, de voir qu’il existe autant d’héroïnes que de héros, qu’il existe des femmes qui à toutes les époques, ont choisi leur vie et ont mené des combats, petits ou grands, non pas contre les hommes mais pour leurs libertés, leurs idées, leurs espoirs. C’est le sens du travail mené par ces autrices de BD, comme Catel qui a si bien raconté la vie d’Olympe de Gouges, de Kiki de Montparnasse ou de Benoîte Groult. Ou comme Pénélope Bagieu dont les deux albums « Culottées » sont pour moi des lectures indispensables. Elle a su redonner vie, en peu d’images et de mots, à des femmes le plus souvent méconnues, qui ont osé faire ce qu’elles voulaient, parce qu’elles ont d’abord fait ce en quoi elles croyaient, que ce soit la défense d’un phare aux Etats-Unis comme Giorgina Reid ou l’invention du maillot de bain moderne comme Annette Kellerman, grande nageuse australienne.
Ces Culottées, elles pourraient avoir leur déclinaison nantaise. Je rencontre chaque jour des femmes qui osent, des femmes qui s’engagent, des femmes qui avancent malgré les obstacles qu’elles peuvent rencontrer. Dans mon parcours, en tant que femme, ces figures, ces rencontres ont nourri ma réflexion. Je pense bien sûr à Renée Broustal, grande militante du planning familial qui a fondé l’espace Simone de Beauvoir. Je pense également à Michelle Pallas, qui a créé l’épicerie solidaire à Bellevue. J’ai été aussi très impressionnée par le travail mené par Diariata N’Diaye, qui a créé l’association Résonantes pour sensibiliser et agir contre les violences faites aux femmes, en développant entre autres une application, App-Elles, pour alerter en cas de violences. Et puis j’ai en tête l’action de Bouchra Akdim, présidente de la JSC Bellevue qui fait un travail exemplaire sur le football comme moteur pour emmener les enfants et les adolescents vers d’autres activités et horizons. Mais ce sont aussi ces étudiantes qui se sont mobilisées pour travailler avec la ville sur la sécurité sur le hangar à bananes. Ces femmes qui ont créé le « café qui papote » dans le quartier de Malakoff. Ou ces deux jeunes filles qui ont fondé le groupes Nantes à la folie pour permettre à des néo-nantais de tisser du lien.
En lisant Histoire populaire de Nantes, j’ai aussi découvert des Nantaises, anonymes ou méconnues qui ont osé. Comme Marie Horas, qui en 1824, revendique avoir quitté son mari violent et volage pour se protéger elle-même, alors que le divorce est interdit depuis 1816. Ou Charlotte Bougouin, une Nantaise noire et aisée qui en 1747 aide financièrement une esclave qui veut intenter un procès à son maître.
Au-delà de ces quelques figures, toutes les femmes que je rencontre, avec qui j’échange, me racontent leurs projets, l’énergie qu’elles y mettent et les obstacles qu’elles doivent surmonter. Ces femmes culottées, proches ou lointaines, nous rappellent une chose essentielle : chacune d’entre nous peut être un modèle positif, un modèle d’ambition et d’action pour d’autres femmes.
Non les femmes ne sont pas condamnées à être victimes de violences, de discrimination ou de domination parce qu’elles sont femmes. Nous devons continuer d’affirmer qu’il y a des comportements qui ne sont pas acceptables. La parole s’est enfin libérée sur ces questions cet automne. Au-delà de l’indignation, il nous faut maintenant agir et je ne peux que soutenir toutes celles et ceux qui se mobilisent sur ces questions partout en France, je pense à l’initiative « Maintenant on agit », pour soutenir financièrement les associations engagées sur ces questions, en particulier le planning familial qui assure une mission essentielle de formation.
Je suis convaincue que le premier combat, c’est la protection de l’intégrité physique et psychique des femmes, qui est la condition pour pouvoir oser, s’épanouir, s’émanciper. C’est pourquoi nous travaillons actuellement à la création d’un centre de consultation post-traumatique pour accompagner les femmes victimes de violences, à côté de l’action des professionnels de santé et de ceux de l’accès aux droits.
Accompagner, soutenir, donner les moyens aux femmes de faire ce qu’elles veulent, c’est toute la philosophie de mon engagement dans l’égalité femme-homme depuis le début de mon mandat. Faire avec toutes ces femmes qui osent, pour aider d’autres femmes à oser, pour faire vivre concrètement, réellement l’égalité. C’est pour cela que nous avons créé en 2015 le conseil de l’égalité femme-homme. Pour créer un espace de débat, de propositions et d’actions. C’est pour cela que nous soutenons l’espace Simone de Beauvoir, lieu de ressources, d’informations, de réflexions sur ces questions.
Notre action se déploie dans tous les domaines. Nous menons par exemple des actions de sensibilisation, par exemple en formant près de 300 ATSEM à détecter les violences conjugales, pour mieux alerter et aider. Nous soutenons et accompagnons les associations qui sensibilisent les adolescents sur la question des stérérotypes de genre, à travers la création théâtrale.
Mais promouvoir l’égalité, ce n’est pas seulement lutter contre les inégalités et les stéréotypes. C’est installer d’autres façons de faire, de penser pour sortir justement de rapports de domination, de violence symbolique ou réelle.
Cela commence dans le monde du travail, en menant des politiques de ressources humaines qui valorisent le travail des femmes et qui les rémunèrent au même niveau que les hommes. C’est tout le sens du negotraining organisé par la Ville le 24 février pour donner aux femmes les outils pour défendre une rémunération à la hauteur de leurs talents et de leur compétences. Cela passe aussi par le soutien à l’entrepreneuriat féminin. Oui les femmes peuvent entreprendre et elles ne doivent pas avoir besoin de se battre deux fois plus pour obtenir la juste reconnaissance professionnelle qui leur est due.
Installer d’autres façons de penser et de faire, c’est aussi redonner leur place aux femmes dans l’espace public. Symboliquement d’abord, en féminisant les noms de rue ou d’équipements publics, comme nous l’avons fait à 23 reprises depuis le printemps 2016, à la suite d’une démarche de dialogue citoyen qui a suscité beaucoup d’enthousiasme. Mais concrètement aussi, en facilitant la pratique sportive des filles et des femmes dans l’espace public par exemple. Ou en prenant en compte la demande de sécurité la nuit avec l’expérimentation de cheminements lumineux menée dans des endroits où le sentiment d’insécurité était fort pour les femmes.
Il y a à Nantes un foisonnement d’actions et de Nantais·e·s engagés dans le combat pour l’égalité femmes-hommes. La programmation riche de ce mois de mars en est l’illustration.
Parce que je crois qu’aujourd’hui, plus que jamais, il est essentiel que les femmes disposent d’espace pour se dire et se raconter, j’ai souhaité inviter trois générations de femmes à un petit-déjeuner en mairie le 17 mars. Pour moi, être femme, maire d’une grande ville et présidente de Métropole, c’est le fruit d’un parcours individuel et d’une histoire collective, celle des femmes qui se sont battues pour que rien ne leur soit interdit. C’est aussi une responsabilité. Celle de participer à cette dynamique, de lui permettre de se poursuivre. Croiser les regards sur les femmes hier, aujourd’hui et demain, pour que nous nous rendions compte que nous sommes toutes, quel que soit notre âge, notre quartier, notre activité, des femmes culottées, des femmes qui font et qui n’attendent pas qu’on leur dise ce qu’il faut faire.
Si Pénélope Bagieu veut venir raconter l’histoire de ces femmes nantaises là, elle est la bienvenue !
Mes conseils lectures pour tous les âges sont recensés ci-dessous. Tous ces ouvrages sont disponibles dans les médiathèques de la ville.
Pour les petits (0-6 ans)
LA VALISE ROSE, Susie MORGENSTERN, Gallimard Jeunesse, 2015
Une jolie histoire sur les stéréotypes de genre.
LE ZIZI DES MOTS, Elisabeth BRAMI, Talents Hauts, 2015
Un album dénonçant le sexisme langagier quotidien : l’auteure a remarqué par exemple que certains noms masculins désignant des personnes donnaient au féminin des noms d’objets. Très intéressant à lire avec les enfants.
LE CHAT QUI EST CHIEN, Alex COUSSEAU, Rouergue, 2016
Dans un pays où tout est ordonné, un chat qui aurait voulu être un chien rencontre d’autres animaux qui sont dans le même cas. Ensemble, ils se rendent au pays où tout est possible. Un album sur l’identité et la liberté
PERONNILLE LA CHEVALIERE, Marie DARRIEUSSECQ, Nelly BLUMENTHAL, Albin Michel Jeunesse, 2009
Une histoire de chevallière qui tombe amoureuse d’un prince. Une histoire qui reprend tous les codes du conte de fée pour les renverser et qui propose un beau portrait de femme émancipée.
Pour les enfants (6-12 ans)
LE ROYAUME DES REINES, Marie-Sabine ROGER, Editions Thierry Magnier, 2004
A la maison, les filles font tout, les garçons rien… Un tout petit roman sur les inégalités garçons-filles et les stéréotypes de genre, vus par une petite fille. Tout en finesse.
DES FILLES DANS L’EQUIPE, Sophie DIEUAIDE, Fred L., Talents Hauts, 2014
Une histoire simple et efficace qui rappelle que le sport n’a pas de genre.
MA MERE EST MAIRE, Florence HINCKEL, Talents Hauts, 2008
Le jour de la rentrée en CE1, Valentin parle du métiers de ses parents : sa mère est maire de la ville et son père est père au foyer. Ses camarades de classe se moquent de lui, alors il propose à ses parents d’échanger leur rôle pour une journée.
GERMAINE TILLION, LA VIE COMME UN COMBAT, Marilyn PLENARD, Michel BACKES, Editions A dos d’âne, 2017 (8-12 ans)
Un portrait d’une femme engagée et militante à travers le récit de son engagement résistant et de son expérience concentrationnaire. Une écriture un peu trop sentimentale parfois mais un réel souci de pédagogie.
Pour les adolescent·e·s
LES GARCONS NE TRICOTENT PAS (EN PUBLIC), T.S EASTON, Nathan, 2016
Dans le cadre d’un parcours de réinsertion pour jeunes délinquants, Ben, 16 ans, suit des cours de tricot. Cela ne lui plaît pas mais il accepte tant que sa famille et sa petite amie ne sont au courant. Cependant, il se découvre une réelle passion pour le tricot au point de participer à des concours et de vendre ses créations sur Internet.
CULOTTEES (T.1 et T.2), Pénélope BAGIEU, Gallimard, 2016
Des portraits de femmes méconnues qui n’en font qu’à leur tête et qui rendent visibles, pour les garçons comme pour les filles, tous les obstacles que les femmes ont du franchir ou doivent franchir au quotidien, sans misérabilisme ni victimisation.
Pour les adultes
Ainsi soit Benoîte Groult, Catel / Olympe de Gouges – Catel
Deux biographies de femmes engagées dans les combats de leur époque pour les libertés, très denses et très riches d’enseignement.
Masculin-Féminin : La pensée de la différence, Françoise Héritier, Odile Jacob, 1996
Reflets dans un œil d’homme, Nancy Huston, Actes Sud, 2012
N. Huston convoque ici sa propre expérience, comme celles d’artistes qui l’entourent, pour analyser toutes les influences qui façonnent la femme contemporaine.