Contribution pour constuire une République du réel : une république des territoires et des citoyens de
Johanna Rolland, Maire de Nantes, Présidente de Nantes Métropole, Nathalie Appéré, Maire de Rennes, Députée d’Ille-et-Vilaine,Estelle Grelier, Députée de Seine-Maritime
Pour une République du réel
Notre Parti aborde son Congrès dans un contexte difficile, à la fois pour le pays et pour la gauche.
Les événements dramatiques de janvier nous auront collectivement et durablement marqués : par l’horreur des actes commis ; par les conséquences qu’ils peuvent avoir dans la durée dans une société française tout à la fois forte – les immenses rassemblements citoyens en témoignent – et fragile – les débats et questionnements
qui se font jour depuis le démontrent.
La Gauche doit prendre ses responsabilités en tenant compte des bouleversements du monde, en ne cessant jamais d’être offensive face à des défis qui exigent une mobilisation de l’intelligence collective, la mise en œuvre de stratégies collaboratives et un changement de mode de développement.
Un monde nouveau, né de la révolution numérique, nous ouvre des horizons en brisant les frontières et en plaçant la multitude au cœur de la transformation. D’une part, des opportunités considérables d’échanges, d’ouverture, de rassemblement de la diversité… De l’autre, face aux incertitudes, aux vertiges de la complexité, des risques de replis identitaires, synonymes d’exclusion, d’intolérance, de stigmatisation, qui rencontrent parfois les idéologies les plus sombres. Les extrémismes ne se diluent pas dans les mutations du monde. Ils se transforment, s’adaptent, mais leurs ressorts et leurs conséquences sont toujours les mêmes.
Les socialistes et la Gauche ont donc cette responsabilité majeure, non seulement de permettre au pays de traverser au mieux ces épreuves, mais surtout de redonner aux citoyens des raisons d’espérer.
Notre pays en a les forces, les talents, les énergies. Notre pays est riche de ces femmes et ces hommes qui entreprennent, qui font chaque jour des révolutions minuscules pour bâtir un monde meilleur, qui inventent notre avenir, qui coopèrent avec bienveillance, qui sont source d’initiatives, de débats, d’échanges. Il ne s’agit
pas d’optimisme béat mais bien de remettre en confiance ces forces créatrices, de mettre la République en mouvement en étant fermes sur nos valeurs et offensifs sur nos réponses.
La République, ce sont des valeurs – liberté, égalité, fraternité – qui, tout à la fois, nous élèvent et nous rassemblent. C’est le principe de laïcité auquel nous sommes profondément attachées. Ces valeurs, il ne suffit pas de les déclamer comme un rempart face aux conservatismes ou à la tentation des extrêmes. Elles doivent
s’incarner dans la réalité quotidienne, au service du progrès social.
Passons de l’incantation à l’action. Construisons une République du réel, une République en mouvement, qui s’appuie sur la force des ses territoires, qui retrouve le chemin et la confiance des citoyens. Inventons un nouveau contrat républicain entre l’Etat, les territoires et les citoyens, pour répondre aux défis de l’avenir.
Relever le défi de l’emploi
C’est continuer à faire pression sur nos partenaires européens pour une
réorientation de la politique européenne en faveur de l’emploi et de la lutte contre les
inégalités sociales. C’est soutenir les filières d’avenir et donner aux entreprises les
moyens d’être compétitives, mais c’est aussi prendre en compte la diversité de notre
économie. C’est ancrer les entreprises dans des partenariats locaux, pour renforcer
les conditions de leur développement, assurer la qualité de vie et la capacité de
mobilité aux salariés. C’est réinventer notre rapport à l’entreprise, faire confiance aux
entrepreneurs, mettre en place les conditions d’une véritable émergence
entrepreneuriale territoriale.
Relever le défi de la justice sociale
C’est assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition, d’une couverture maladie universelle, de l’accès au service public de la santé. Mais c’est aussi inventer de nouvelles solidarités de proximité pour une population vieillissante (transports, isolement). C’est garantir un service public de qualité, au cœur de la
citoyenneté et au service de tous. C’est défendre l’égalité comme un fil rouge de toutes nos interventions, comme le guide de toutes nos actions publiques. L’égalité est au cœur du contrat passé avec nos concitoyens.
Relever le défi éducatif
C’est assurer partout en France l’accès à un service public national de l’éducation efficace et de qualité. Mais c’est aussi assurer, dès le plus jeune âge, ces nécessaires complémentarité et continuité éducatives, pour que chaque enfant s’épanouisse, construise sa pensée, chemine vers l’autonomie et le savoir. C’est considérer que le faire-ensemble participe du vivre-ensemble en favorisant les apprentissages qui forgent la citoyenneté.
Relever le défi de la transition écologique
C’est réussir la COP 21 à Paris en 2015. C’est aussi innover dans les territoires : les ressources en énergies renouvelables ne sont pas les mêmes du nord au sud si l’on pense énergie solaire ou de l’est à l’ouest si l’on pense éolien. C’est agir pour un changement dans nos pratiques quotidiennes, avec le souci de faire de cette
transition une chance, un levier et non une source de nouvelles inégalités. La transition énergétique est une formidable opportunité de justice sociale et économique : mettre fin à la précarité énergétique, développer le pouvoir d’agir des citoyens et des territoires sur l’énergie et créer de nouveaux emplois.
Relever le défi de la transition numérique
C’est, à l’échelle nationale, impulser une dynamique qui passe aussi par les territoires et les métropoles en particulier. Les 12 villes labellisées French Tech témoignent de la vitalité de leurs acteurs. C’est aussi agir contre la fracture numérique dès le plus jeune âge, à l’école et jusqu’aux seniors, avec les associations, les bénévoles.
L’inclusion numérique doit être un cap pour développer les droits des citoyens, de l’emploi à la formation, de l’éducation à la santé. Mais tout ne peut venir d’en haut. Les réponses uniques et uniformes ignorent les
réalités concrètes dans leur diversité. Et elles font fi de la capacité des collectivités et des acteurs locaux à innover, à inventer. Libérer les énergies, reconnaître les territoires comme leviers essentiels de la dynamique de la France, comme sources de création, d’inventivité ; renouveler les pratiques politiques, notamment en donnant une place centrale aux citoyens et aux acteurs dans l’action publique, voilà le chemin que doit poursuivre la Gauche, en
fidélité à son action décentralisatrice.
La République des territoires
Pour cela, nous avons à conduire des réformes institutionnelles et de structures. Le Gouvernement et le Parlement en ont entrepris plusieurs, en dotant la France de régions plus fortes et en reconnaissant le rôle des métropoles.
Dans une économie qui fait une large place aux compétences, aux synergies et aux coopérations, les métropoles sont des moteurs de développement, des territoires de solution. C’est dans les métropoles que sont rassemblés les acteurs de la recherche et de l’innovation qui permettront de prendre le virage de cette économie du
mouvement. Les CHU, les grandes écoles, les grands laboratoires de recherche dans tous les domaines y sont naturellement implantés. C’est leur fonction même d’être ce fer de lance. Mais elles ont de plus en plus aussi cette responsabilité première dans l’invention d’un nouveau modèle de développement. Parce que les deux principales
sources d’émission de gaz à effet de serre, le transport et le logement, sont dans les villes et les métropoles. Parce que les habitants des métropoles sont exigeants et sensibles à la qualité de vie.
Les métropoles concentrent, d’une certaine façon, toutes les tensions de notre époque mais aussi les solutions pour les dépasser. L’échelle métropolitaine est suffisamment grande pour avoir l’ambition d’y construire une part des réponses, suffisamment petite pour le faire en proximité, avec les acteurs et les citoyens.
Les métropoles, évidemment, ne sont pas la réponse à tout. Elles doivent s’inscrire fortement dans une nouvelle alliance des territoires. Travailler en réseau, à l’échelle d’une région, de la France ou en Europe. Être en dialogue permanent avec les territoires qui les environnent, périurbains et ruraux. L’idée d’un développement
« métropolitain » tout entier tourné vers le monde, tournant le dos aux territoires péri-urbains ou ruraux serait une erreur et un danger pour notre pays, pour son unité, sa cohésion et son développement. La métropole est indissociable des territoires qui l’environnent. Les métropoles irriguent les territoires péri-urbains et ruraux, qui eux- mêmes sont une ressource en termes de qualité de vie et de développement.
Dans les villes où les socialistes ont engagé, il y a des décennies, la mise en œuvre de leurs idées – le fameux socialisme municipal -, ils doivent aujourd’hui assumer clairement cette nouvelle donne. Cette nouvelle donne va, évidemment, de pair avec la place particulière que vont occuper les régions, à l’avenir. Ces 13 régions devront être la base de plus d’égalité et porteront un renouveau démocratique fort, celui de la justice entre les territoires.
Nous passons des promesses de territoires aux territoires de promesses, en assumant des leaderships partagés, en particulier pour le tissu économique.
C’est à cette synergie commune que nous devons travailler. Sortons des chapelles et des octrois de nos institutions. Sortons des oppositions stériles dont l’énergie ne profite à personne.
Notre Parti doit être le fer de lance d’une nouvelle France dans sa diversité, toutes ses diversités, qui sont une chance si elles sont fédérées pour un projet commun, qui peuvent devenir une faiblesse si, faute d’ambition, elles craquellent la France au risque de la fracture.
La République des citoyens
Abstention, tentation des extrêmes, dévaluation de la parole publique… la démocratie est aujourd’hui affaiblie par une défiance de plus en plus forte à l’égard de l’action politique. Défiance qui se mue parfois en une véritable indifférence.
C’est à cette dynamique négative que nous voulons nous opposer dans nos territoires. D’abord en étant nous, élus, exemplaires, transparents et clairs sur nos objectifs et nos valeurs. Nous sortirons de cette crise de la représentation en assurant une réelle participation citoyenne aux décisions qui concernent nos territoires. C’est dans nos villes, nos métropoles que doit naître une plus grande convergence entre les citoyens et la construction des politiques publiques. Nous devons inventer ensemble des solutions nouvelles qui répondront aux mutations que nous connaissons.
Le retour du politique s’opérera par l’exigence démocratique d’une citoyenneté active, créative et en mouvement. Nous créerons une relation avec les citoyens en dialoguant en permanence sur les transformations et les choix à faire, en s’imposant de nouveaux instruments démocratiques, de restitution, de consultation, de concertation, de co-construction, d’interpellation, de votation même. Renouer les liens de confiance avec les citoyens, renouveler l’engagement citoyen, dans notre pays, passent pour une bonne part par l’échelle locale. Par une pratique
renouvelée dont notre Parti doit s’emparer. Il ne s’agit pas pour nous, élus, de nous défausser ; mais bien au contraire de relégitimer, de renforcer la démocratie représentative par la démocratie participative. Nous avons conduit des États Généraux pour faire la clarté sur nos valeurs et nos orientations politiques. Nous devons nous donner les moyens de les mettre en débat avec les citoyens. Sans les citoyens, les acteurs économiques, sociaux, associatifs, les services publics, la parole politique prend le risque de n’être réduite qu’aux mots. Les citoyens ne
peuvent tout attendre du politique. Et les politiques ne peuvent, pour la même raison, tout promettre.
A l’espoir déçu du « Grand soir », à l’ambition étriquée des « petits jours », nous préférons un nouveau contrat, au grand jour, entre les élus et les citoyens. Contre les faux espoirs, qui sont les ferments de la défiance, contre l’absence d’espoir qui fait le lit des idéologies extrémistes, nous voulons travailler à un choc démocratique.
Des propositions concrètes peuvent le préparer :
– Après l’adoption de la loi sur le non-cumul des mandats, la gauche doit maintenant s’engager pour l’adoption d’un véritable statut de l’élu.
– Instaurer, dès 2020, le suffrage universel direct pour les élus des métropoles. Le fléchage, lors des dernières élections, a été un premier pas, peu lisible pour les citoyens.
– Créer un statut du bénévole associatif.
– Instituer le droit de vote des étrangers aux élections locales.
– Diversifier, socialement notamment, la composition des assemblées.
– Créer un véritable droit à la seconde chance, en particulier dans la vie professionnelle.
– Mettre en place le service civique universel en proposant des missions citoyennes et
solidaires aux jeunes.
Notre responsabilité de socialistes, aujourd’hui, c’est d’innover, d’inventer pour ouvrir le chemin de l’avenir, celui d’une République vécue au quotidien, une République du réel pour chacune et pour chacun.
Johanna Rolland, Maire de Nantes, Présidente de Nantes Métropole
Nathalie Appéré, Maire de Rennes, Députée d’Ille-et-Vilaine
Estelle Grelier, Députée de Seine-Maritime