Madame, Monsieur,
Je suis très honorée d’être ici aujourd’hui au forum économique international de Saint Petersbourg. Une ville aussi élégante que créative avec laquelle Nantes a eu d’intenses échanges culturels au début des années 1990 dont de nombreux Nantais se souviennent encore.
Inventer la ville de demain pour le monde de demain
L’urgence est devenue réalité
Nous serons en 2050 10 milliards d’humains sur une planète aux ressources limitées. Cela nous contraint et nous oblige à mettre en œuvre un développement soutenable.
J’appartiens à une génération de responsables politiques qui vit avec l’urgence environnementale comme donnée fondamentale depuis son enfance. Cela forge une conviction: nous devons proposer des voies nouvelles.
Nous ne pouvons nous satisfaire d’une humanité où une partie de la population est exclue du développement et de la prospérité. Où la pollution porte atteinte à la santé de nos enfants. Où la tentation de la table rase se diffuse comme seule solution aux défis de demain. Nous nous rapprochons aujourd’hui dangereusement du moment de bascule, où les dommages deviendront irréversibles. Mais nous pouvons encore agir !
En tant que maire, je souhaite que la génération qui sera aux commandes en 2050 dise de nous : « Il y a 30 ans, ils ont osé et ça a marché ! Ils ont fait preuve de clairvoyance, de courage, ils ont réussi à inventer un chemin » . Nos débats peuvent y contribuer.
Ce chemin, c’est celui d’un pacte entre les gouvernements du monde et les gouvernements des villes. Nous partageons un destin semblable. Celui de réussir les transitions, au 1er rang desquelles se trouve la transition écologique et énergétique.
La communauté internationale, les États ont un rôle à jouer bien sûr. Mais les villes sont au cœur des urgences : 70% de la population mondiale vivra demain dans des villes qui sont responsables de 70 % des émissions de GES et des 2/3 de la consommation d’énergie.
Je veux remercier M. le Président de la République d’avoir sollicité une élue locale pour venir dialoguer sur ce sujet essentiel qu’est la ville durable avec des acteurs des sociétés civiles russes et françaises.
Les villes doivent et peuvent apporter des réponses à l’urgence
Les villes sont le bon échelon pour se saisir des mouvements du monde avec un temps d’avance.
Directement reliées aux besoins et attentes des habitant·e·s et des acteurs du territoire, elles mettent en réseau les lieux et les gens qui veulent agir. Cela les rend agiles et innovantes.
Un exemple:Donald Trump peut choisir de se retirer de l’Accord de Paris, cela n’empêche pas Los Angeles ou New-York de renforcer leur engagement pour le climat. En France aussi, nombreuses sont les villes qui sont allées plus loin que les objectifs climatiques: Paris, Strasbourg et bien sûr Nantes sont de celles-là. Notre ville est aujourd’hui une métropole de référence en matière de transitions. Nous avons été désignés capitale verte européenne en 2013. Nous avons aussi été ville-hôte du sommet Climate Chance en 2016 et métropole observatrice lors de la COP21.
La ville de demain : la ville des transitions
Une ville qui fait des interdépendances des opportunités
Pour être cette ville des transitions, nous pensons les interdépendances comme un gisement d’opportunités, d’emplois et d’innovations. Cela veut dire, en ville, agir sur tous les leviers: constructions, énergies, mobilités, nature en ville, économie circulaire, etc. En croisant protection de l’environnement, innovation économique et justice sociale, nous pouvons faire de la ville durable une ville du changement désiré.
Et qui mise sur l’intelligence collective
Car la ville durable ne se fait pas contre. Elle se fait avec. Avec tous les acteurs. Ils sont autant de sentinelles qui sentent, expérimentent, vivent les mutations bien avant que l’État ou l’Europe n’y soient confrontés. En proposant un projet collectif d’avenir, on peut créer une dynamique vertueuse qui embarque tout le monde, des startups aux grands groupes, des structures associatives aux PME. C’est ensemble que l’on peut changer d’échelle, passer de l’expérimentation à la systématisation de nouveaux modes de production.
L’enjeu demain:changer d’échelles
Diffuser l’innovation urbaine pour s’enrichir mutuellement
A cela s’ajoute un autre défi. Celui du changement d’échelles. Les villes ne sont pas des îles. On le voit par exemple entre nos deux pays. Villes russes et françaises ont à répondre à un certain nombre de questions communes. Sur la rénovation thermique des bâtiments, la construction d’un réseau de transports publics efficace ou la mise en place de réseaux de chaleur, nos solutions peuvent être les vôtres et nous avons tout à gagner à coopérer.
Mais il faut penser la diffusion de ces innovations à toutes les échelles et agir dans une logique de codéveloppement avec tous les territoires. Nous y travaillons au sein de Eurocities ou de CGLU.
Nous avons aussi besoin pour cela d’États stratèges, qui soutiennent et encouragent les collectivités dans leurs expérimentations et les entreprises dans leurs activités de recherche et de formation dans ces secteurs-clés des transitions.
Accélérer à l’échelle internationale pour construire de nouveaux modèles de développement
Et nous devons accélérer sur la mise en œuvre de régulations internationales pour construire de nouveaux modèles de développement. Nous héritons de choix qui ont façonné de grands groupes industriels dont nous pouvons être fiers. Leur puissance et leur savoir-faire est aujourd’hui un atout pour innover.
Nous devons anticiper ensemble une société post carbone, qui soit une opportunité de croissance durable et de progrès social. Cela veut dire à l’échelle mondiale, entériner que la lutte contre le changement climatique va porter le développement économique. Il faudra le réguler pour éviter de créer de nouvelles inégalités à l’échelle de la planète et de nouvelles précarités à l’échelle de nos villes.
Une étude de l’observatoire international du travail (OIT) souligne que le respect des accords de Paris créerait 24 millions d’emplois.
Alors comme le dirait l’environnementaliste américain Paul Hawken, le réchauffement climatique n’est peut-être pas une chance mais ce n’est pas une malédiction non plus. C’est à mes yeux une opportunité pour repenser ensemble le monde de demain, comme nous y invitent aujourd’hui nos deux pays, la France et la Russie.
Les villes sont aujourd’hui le terreau où s’invente un nouvel humanisme, celui des transitions. A l’heure où la tentation du repli touche nos sociétés, il est essentiel de se rappeler que nos liens sociaux sont notre bien commun, au même titre que l’air ou l’eau. Façonner une ville qui construise constamment des ponts entre les espaces et les citoyens contribue à inventer une nouvelle gouvernance de ces biens communs pour mieux les transmettre aux générations futures.
Je vous remercie.