Congrès annuel du Syndicat national des journalistes (SNJ)
Mercredi 5 octobre
Hôtel Quality and suites-La Beaujoire
Monsieur le premier secrétaire général (Vincent Lanier, Le Progrès)
Mesdames et messieurs les secrétaires généraux,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureuse de vous accueillir pour ces trois jours de travaux, qui sont un événement important. Cela sera un temps de réflexion et d’analyse sur des sujets qui concernent votre profession, et qui résonnent pour la société toute entière. Je veux tout d’abord vous souhaiter à toutes et tous la bienvenue ici, à Nantes, que vous avez choisie pour ce 98e congrès du Syndicat national des journalistes.
Nantes, c’est une ville d’histoire. Nantes l’innovante, la ville de Jules Verne. Nantes la tolérante où l’Edit de Nantes fut signé. Nantes, ouverte au monde et à ses influences, grâce à son port, qui reste aujourd’hui, encore le premier port français de la façade Atlantique.
Nantes qui a connu aussi ses heures sombres avec le commerce triangulaire. Dans son histoire récente, Nantes a su regarder en face ce passé douloureux. Je vous invite, si vous avez quelques instants, à visiter le mémorial à l’abolition de l’esclavage. Un parcours qui invite à la mémoire, mais aussi à en tirer des enseignements pour aujourd’hui, pour les drames et les souffrances dans le monde de notre époque.
Nantes est une ville de culture. C’est dans son ADN. En 2017, nous inaugurerons un nouveau musée d’arts, un grand équipement qui participera au rayonnement de notre métropole.
Oui la culture est essentielle, encore plus dans cette période de crise. Nous avons besoin de la culture comme levier d’émancipation. Mais la culture permet aussi d’ouvrir de nouveaux horizons. La culture ici, je la conçois comme un élément majeur de citoyenneté et de la dynamique collective.J’ai fait de la question de l’art dans l’espace public un fil essentiel de mon action.
Enfin, Nantes c’est une ville d’industrie. Industrie qui reste puissante aujourd’hui, et qui au 19e siècle a fait de Nantes l’un des berceaux du mouvement ouvrier et de l’engagement collectif. Le monde de la presse y a d’ailleurs joué un grand rôle. Ainsi, en 1833 naît l’« association typographique et philanthropique de Nantes ». Un mouvement fondé par des ouvriers-typographes qui préfigure ce que seront plus tard les syndicats. Aujourd’hui encore, Nantes reste une ville où le tissu militant est dense, qu’il soit associatif, politique ou syndical. C’est une force, c’est un des vecteurs de notre dynamisme.
Nantes, c’est donc cette riche tradition et en même temps une ville tournée vers l’avenir. Une grande Métropole française, qui a l’ambition d’apporter sa pierre à la dynamique du grand Ouest, et à l’avenir de notre pays, tout en cultivant sa singularité.
Inventer l’avenir, cela passe par la créativité, par la capacité à innover. Cela suppose un engagement fort en faveur de l’éducation, notamment au travers l’enseignement supérieur et la recherche. Un exemple : sur l’Île de Nantes se développe le Quartier de la création, avec bientôt un véritable campus urbain créatif. 4 000 étudiants, des centaines de chercheurs. Au cœur de ce quartier nous allons construire un « Médiacampus », une structure innovante qui regroupera au même endroit médias, école, outils de production et écosystème de la production audiovisuelle.
Et puis naturellement, dans un monde en mutation rapide et profonde, préparer l’avenir, c’est nous emparer des transitions. De toutes les transitions. La transition numérique, qui nous a permis de créer 2 800 emplois, ici, à Nantes, depuis que nous sommes engagés dans la démarche NantesTech. La transition écologique ensuite, nous avons accueilli il y a quelques jours le premier sommet mondial des organisations non gouvernementales « Climate Chance » qui fait le lien entre la COP 21 à Paris et la COP 22 qui aura lieu l’année prochaine au Maroc. Oui, ce n’est pas un hasard si cette initiative a eu lieu à Nantes. Nantes est résolument engagée pour relever ce défi. Pour ne citer qu’un exemple, 50 % des logements sociaux seront chauffés aux énergies renouvelables d’ici 2020.
Bien sûr il faut une action publique résolue, mais ma conviction c’est que notre efficacité passe par la mobilisation de tous les acteurs, de tous les citoyens que nous pourrons être efficaces. C’est pour cela que nous nous consacrerons cette année à un grand débat sur la transition énergétique.
Un débat concret, qui fait place aux expérimentations. C’est ce que j’appelle le « débat du faire », F.A.I.R.E.
Et ce grand débat, il répond aussi à une autre exigence, l’exigence démocratique. Oui il y a une perte de confiance, dans la parole publique, dans l’action publique, et plus largement dans ce qui est perçu comme institutionnel, comme appartenant à une élite qui serait déconnectée des réalités et des attentes. Cette confiance, il faut impérativement la renouer. Ici, je le fais en retissant du lien avec et entre les habitants, en fortifiant la démocratie représentative par le dialogue avec les citoyens et les acteurs.
La confiance, je sais qu’elle sera également au cœur de vos échanges et notamment du débat que vous aurez ce soir. Comment retrouver la confiance ? Cette question se pose à tous les niveaux de la société : aux politiques, aux institutions, mais également aux médias.
Les médias jouent un rôle important dans notre démocratie. « Le droit de vote n’est rien sans une presse de qualité », disait Edwy Plenel au Bondy blog il y a quelques jours. L’histoire en témoigne, qui montre que le citoyen a besoin d’avoir une information précise, honnête, complète, d’analyses aussi, pour se forger son opinion et ainsi exercer ses droits politiques en connaissance et en conscience.
Nous avons, dans la métropole, de nombreux médias. Des grands journaux de presse écrite (je sais que certains parmi vous travaillent ou ont travaillé à Ouest-France ou Presse-Océan), des radios associatives, des radios régionales ou nationales avec leurs antennes locales. Mais aussi des télévisions. Je ne vais pas tous les citer, parce qu’ils sont très nombreux, plusieurs dizaines en comptant les magazines indépendants, les radios associatives, les sites Internet d’information spécialisée, les revues professionnelles…
Et tous ces médias sur notre territoire, c’est une chance car ce sont les médias qui expliquent le sens, donnent les clés de lecture. C’est votre rôle d’essayer de donner aux citoyens, des repères. Je pense notamment aux plus jeunes. L’éducation à la citoyenneté, elle passe notamment par la presse. Toute information n’est pas juste simplement parce qu’elle est diffusée.
Dans un monde en perte de repère, c’est une responsabilité particulière et fondamentale que celle d’informer. Dans vos journaux, dans vos radios ou dans vos télés, vos sites web, sur les réseaux sociaux, vous avez, de ce point de vue là, en tant que journaliste une responsabilité.
Pour faire ce travail, la presse doit être libre. L’indépendance et le pluralisme de la presse sont des nécessités absolues pour la vie démocratique. J’en suis absolument convaincue. Et il n’y a pas de liberté de la presse possible, sans protection du travail des journalistes.
Cela veut dire d’abord respecter le droit à informer. J’ai en tête deux exemples récents sur ce sujet. La polémique autour de la programmation de l’enquête d’Envoyé spécial sur l’affaire Bygmalion. Je sais que vous vous êtes emparés de ce sujet et on voit bien comment cela pose la question de la liberté de l’information et de son exemple concret. Mais ce sujet n’existe pas seulement au niveau national, c’est une vigilance à avoir aussi au niveau local. Quand par exemple, le maire de Cholet interdit il y a quelques semaines à des journalistes d’assister au conseil municipal, empêchant ainsi les habitants d’avoir accès au compte-rendu du débat démocratique. Là encore, c’est bien la liberté de la presse qui se joue.
Protéger la liberté d’informer impose de protéger les conditions d’exercice du métier de journaliste. Le journalisme en France doit beaucoup au SNJ et à son action. Bien entendu parce que vous êtes le premier syndicat représentatif à la Commission de la carte professionnelle. Mais aussi parce que dans l’histoire votre syndicat a été proactif et inventeur au service de l’indépendance et de la protection du statut de journaliste. Les 36 000 journalistes titulaires de la carte de presse vous doivent notamment la Charte des devoirs du journaliste, ce repère essentiel pour l’exercice déontologique du métier, et la clause de conscience, élément fondamental dans votre profession, dont le SNJ est l’inspirateur.
Ce métier aujourd’hui, il se transforme fortement. Vous le savez mieux que quiconque, la profession de journaliste est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était il y a dix ou quinze ans. Elle est bouleversée par la transition numérique, notamment, par l’apparition de nouveaux médias, par la place prise par Internet et les réseaux sociaux, par l’accélération de l’information due à ces nouvelles pratiques et par le développement de l’information en continu. Tout cela crée un paysage nouveau, qui interroge vos métiers et déstabilise les modèles économiques établis.
Cela vous réinterroge également sur votre façon de travailler. Quelle place pour l’analyse, la critique et l’investigation, quand l’info file à toute allure ? Je crois pourtant que c’est indispensable et que la transition à laquelle vous êtes confrontés peut-être l’opportunité d’un éclairage nouveau pour les citoyens, d’un rapport à l’information renouvelée.
Ces bouleversements que connaît le journalisme s’accompagnent d’une précarisation croissance. Il est de plus en plus dur d’entrer dans ce métier. Là aussi votre rôle de syndicalistes, il est déterminant car il n’y a pas d’information de qualité possible dans la durée sans la nécessaire stabilité professionnelle et des conditions de travail propices. Et sur ces domaines, vous savez mieux que moi qu’il y a encore beaucoup à faire et cela sera certainement au cœur de vos échanges pendant ces trois jours. J’ai la conviction qu’il faut protéger le métier de journaliste et que la précarisation le met en danger. Je pense par exemple au développement du statut d’auto-entrepreneur chez les journalistes, imposé par certains employeurs et qui est une menace profonde sur le journalisme.
Votre rôle, en tant que journalistes et en tant que syndicat de journalistes, est essentiel pour la société. Je sais que les travaux que vous allez mener pendant ces trois jours participent de la construction de perspectives pour le journalisme de demain. C’est plus que jamais indispensable.
Je vous souhaite un très bon congrès. Merci à nouveau d’avoir choisi notre métropole pour votre congrès et, une nouvelle fois, bienvenue à toutes et à tous.